mercredi 28 août 2013

La Fabrique du monde de Sophie Van der Linden aux éditions Buchet-Chastel


Mei, 17 ans, a quitté sa campagne natale et sa famille pour travailler à l'usine de textile. La jeune fille vit au rythme des commandes, travaillant sans relâche sous les ordres d'un contremaître qui en demande toujours plus. Productivité, obéissance et abstraction de soi sont les maîtres-mots de sa nouvelle vie qu'elle partage avec une quinzaine d'autres filles. Dans le dortoir, elles rêvent à leur avenir, pensent à leur famille et attendent avec impatience la fin de l'année lorsqu'elles pourront enfin rentrer deux jours chez elles. Le moment approche mais Mei se voit amputé de son salaire suite à une réflexion faite au contremaître. Elle ne pourra pas retrouver sa famille cette année et reste à l'usine seule, enfin presque...

La Fabrique du monde dépeint ces usines chinoises où des jeunes filles sont exploitées et travaillent dans des conditions terrifiantes pour subvenir aux besoins de leur famille. Mais le roman de Sophie Van der Linden est également l'histoire des rêves de Mei, d'une individualité au sein de la masse, de la découverte de l'amour. Faudra t-il que la jeune fille se résigne ou rêve et réalité peuvent-ils parvenir à s'accorder au sein du monde ouvrier chinois ? 
Un roman poétique et brutal.


mardi 27 août 2013

En même temps, toute la terre et tout le ciel de Ruth Ozeki aux éditions Belfond


Ruth, romancière en panne d'inspiration, récupère un jour, échoué sur la plage, un sac plastique contenant un journal. Ce journal, c'est celui de Nao, une adolescente qui y raconte son enfance déplacée, ses relations tendues avec ses camarades, les difficultés de sa famille et la vie de sa grand-mère, nonne zen de 104 ans qui tient une place très importante dans son cœur.

Construit sur une alternance entre le récit de Ruth et le journal de Nao, ce roman aux allures un peu mystérieuses aurait sûrement pu être une belle découverte de par sa réflexion intéressante autour du temps, celui qui passe, que l'on essaye de rattraper... Malheureusement, je n'ai pas réussi à dépasser la centaine de pages, la faute aux chapitres dédiés au journal de Nao, à ses smileys rédhibitoires et à ses "cooool!!" loin d'être indispensables qui m'ont complètement gâché la lecture...


lundi 26 août 2013

L'échange des princesses de Chantal Thomas aux éditions Seuil


1721, Louis XV est âgé de 11 ans, il ne deviendra roi de France que deux ans plus tard lorsqu'il atteindra sa majorité. En attendant que le garçon prenne les rennes du pouvoir, c'est à Philippe d'Orléans que revient la Régence du pays. Ce dernier afin d'asseoir sa position et de mettre un terme aux conflits entre la France et l'Espagne met en place un plan de grande envergure, un échange de princesses. Il propose de marier le jeune Louis XV à Anna Maria Victoria, l'infante d'Espagne alors âgée de 4 ans et d'envoyer l'une de ses propres filles, Louise Elisabeth/Mlle de Montpensier, à la cour d'Espagne pour épouser Louis, prince des Asturies, futur roi d'Espagne. Si tout semble, dans un premier temps, se dérouler comme convenu, rapidement les enjeux de pouvoir, les jalousies et les manigances refont surface...

Après Les Adieux à la reine et la cour de Louis XVI, Chantal Thomas nous ramène quelques années auparavant auprès du jeune Louis XV mais plus particulièrement auprès de Louise Elisabeth d'Orléans et de l'infante d'Espagne Anna Maria Victoria. L'auteur s'attache à évoquer des détails méconnus de l'histoire, d'un point de vue plutôt original, celui de deux jeunes filles, l'une de 12 ans et l'autre de 4 ans. Bien que romancée, l'histoire est très documentée et s'appuie sur des lettres et des extraits de presse authentiques. Présenté comme un roman, L'échange des princesses est à la fois instructif et divertissant, nous apprenant une multitude de détails sur cet épisode assez sombre des relation franco-espagnoles. A découvrir sans plus attendre!


dimanche 25 août 2013

Lucia Antonia, funambule de Daniel Morvan aux éditions Zulma


Suite à la mort d'Arthénice, sa partenaire funambule, Lucia Antonia est bannie du cirque familial fondé par son arrière grand-père Alcibiade. Elle décide de poser ses affaires pour quelques temps dans un village de bord de mer au milieu des salines. Elle y rencontre Eugénie et Astrée, mère et fille, un artiste peintre et un garçon voilier qui l'aideront à faire le deuil de l'être aimé. Pendant cette période, elle consigne dans de petits carnets des fragments de sa vie:

"Lorsque je suis sur le fil je ne pense pas à elle.
Je ne suis heureuse que sur le fil.
Je ne suis heureuse que pensant à elle."

"Encore ensommeillée, je marche en rompant les fils d'argent tissés dans la nuit. L'eau de la saline me reflète à l'envers comme un miroir à plat."

"J'appartiens au ciel et à la terre, comme un chien attaché à deux laisses. Le seul lien qui ne m'étrangle pas est un fil d'acier de quatorze millimètres."





Entre douce rêverie et souvenirs poétiques, les carnets de Lucia Antonia nous plongent dans l'univers onirique du cirque, des acrobates et des funambules. Sous la forme d'une succession de petites notes, la magie opère. Entre ciel et terre, la voix mélodieuse de Lucia Antonia ressuscite son amour Arthénice et nous fait osciller entre mélancolie et émerveillement.


samedi 24 août 2013

Les saisons de Louveplaine de Cloé Korman aux éditions du Seuil


Nour vit en Algérie. Pendant sa jeunesse, elle regarde les voitures passer à côté de chez elle et s'occupe des plus petits avec sa meilleure amie. En grandissant, elle fait la connaissance d'Hassan avec qui elle se marie et a une petite fille. Mais Hassan rêve de partir s'installer en France, il s'y rendra seul le temps de trouver du travail, un appartement et d'économiser de l'argent afin que sa famille vienne le rejoindre. Nour reste au pays et attend patiemment les visites de son mari. Celles ci se font de plus en rares et le jeune homme fait patienter Nour en lui promettant qu'elle viendra bientôt le rejoindre, il lui donne alors un double de la clé de son appartement de banlieue parisienne. Mais Hassan finit par ne plus revenir en Algérie et ne donne plus aucune nouvelle à la jeune femme. Inquiète et impatiente, Nour décide d'aller le retrouver, elle parvient à obtenir son adresse et part à sa recherche munie de la clé de l'appartement de Louveplaine. En arrivant sur place, elle découvre avec stupeur qu'Hassan était loin de lui dire la vérité, l'appartement dispose d'un matelas posé sur le sol et semble être un lieu de squat. Commence alors une longue quête au coeur de la cité pour retrouver l'homme qu'elle aime.

Sur fond de trafic de drogue et de combats de chiens, Cloé Korman nous emmène au cœur d'une cité de Seine-Saint-Denis. Tout y est décrit avec énormément de réalisme, un peu trop peut-être. Les dizaines de pages détaillant scrupuleusement les combats de chiens dans les caves d'un immeuble en destruction sont assez abominables et le message pouvait, de mon point de vue, être passé sans insister aussi lourdement. J'ai eu beaucoup de difficultés à finir ce roman que j'ai trouvé très lent et parfois ennuyeux à l'image de longues après-midi en banlieue où l'on attend que le temps passe en espérant qu'il se passe enfin quelque chose, malheureusement ça n'a pas été le cas d'autant plus que les personnages sont loin d'être attachants. En effet, ni Nour, ni les personnages secondaires ne m'ont inspiré beaucoup de sympathie. Une vraie déception.


vendredi 23 août 2013

Monde sans oiseaux de Karin Serres aux éditions Stock


"Petite Boîte d'Os" vit dans un monde où il est tout à fait naturel de se prénommer "Petite Boîte d'Os", où les oiseaux n'existent plus mais où les cochons sont fluorescents et nagent toujours plus nombreux dans le lac. Un monde où l'on laisse partir ses morts sous l'eau jusqu'à ce qu'ils forment une forêt de cercueils. "Petite Boîte d'Os", fille de pasteur, habite une maison qui roule, au bord d'un lac, un lieu calme et serein qu'elle n'envisage pour rien au monde de quitter d'autant plus qu'elle vient de rencontrer Joseph... 

  Monde sans oiseaux, l'univers que nous propose Karin Serres, se présente comme un conte qui laisse présager du pire. Pourtant, au milieu des drames de la vie et de la montée inexorable du lac, "Petite Boîte d'Os" et Joseph vivent un amour sans limite qui traverse les âges. Monde sans oiseaux, c'est un objet un peu étrange mais surtout rare, c'est de la poésie, du rêve et un peu de magie... 




 "Ma mère a des yeux bleu rivière gelée, de fins cheveux blond sévèrement tirés et de hautes pommettes au sang à fleur. Son corps massif se déplace sans bruit dans notre maison, elle glisse sur coussin d'air."

"Distraite, je plante l'aiguille dans mon doigt, le sang jaillit: un coquelicot dans un champ de neige. Je suce mon sang, méttalique et sucré, il sourd de plus belle. J'ouvre ma main dans le soleil: entre chaque doigt, la palmure dessine le tutu de soie de danseuses chauves dont l'une a la tête qui saigne, mitraillée."

jeudi 22 août 2013

La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson aux éditions Zulma


Quelques dizaines d'années plus tard, il est temps pour Bjarni Gislason de clamer une ultime fois son amour à Helga.
Eleveur de brebis et contrôleur cantonal des réserves de fourrage à la retraite, Bjarni a rencontré Helga lors d'un contrôle de sa ferme. Entre eux, c'est la passion mais Helga est marié à Hallgrimur, un dresseur de chevaux souvent absent et Bjarni vit avec Unnur sur qui il s'est juré de veiller jusqu'à la fin de ses jours.

A travers ce long monologue, Bergsveinn Birgisson nous entraîne au cœur d'une Islande tour à tour hostile et maternelle. Bjarni, fermier au premier abord rustre, est avant tout un homme touchant dont l'histoire nous émeut profondément. Roman pastoral et roman d'amour teinté d'érotisme, La Lettre à Helga est à la fois une ode à la nature et le récit du sacrifice d'un homme qui devra choisir entre remords et regrets...


mercredi 21 août 2013

Le cas Eduard Einstein de Laurent Seksik aux éditions Flammarion


Après s'être attardé sur les six derniers mois de la vie de Stefan Zweig, Laurent Seskik s'intéresse aujourd'hui à la face cachée d'Albert Einstein ou plus précisément à Eduard, son fils, dont peu de gens connaissaient l'existence. 
Interné au Burghölzli à l'âge de 20 ans suite à des accès de violence et d'importants troubles mentaux, Eduard entretient très peu de relations avec son père qui ne vient jamais le voir. En effet, Albert Einstein, alors séparé de sa première femme Mileva, instaure rapidement une distance avec son fils. Brillant dans de nombreux domaines, le grand homme se trouve pourtant démuni face à son rôle de père et délaisse complètement Eduard dont le ressentiment à l'égard de son géniteur ne fait que croître.

Laurent Seksik parvient avec aisance à nous plonger dans le quotidien du grand scientifique qu'était Albert Einstein et de sa famille. A travers les voix de Mileva, la mère aimante et dévouée, d'Eduard, le fils étouffé par la notoriété du père et enfin d'Einstein, l'homme de science, l'auteur nous montre à quel point l'individu peut montrer une personnalité tout à fait différente de la sphère publique à la sphère privée. Scientifique de génie, homme de tous les combats, Einstein aura pourtant toujours eu une faiblesse... son fils. 


samedi 3 août 2013

Le linguiste était presque parfait de David Carkeet aux éditions Monsieur Toussaint Louverture


Jeremy Cook, séduisant linguiste au sein de Wabash, un institut d'étude du langage des nourrissons, est bien perturbé. En effet, il vient d'entendre de la bouche de sa nouvelle et charmante collègue qu'on le traite de trou-du-cul au sein même de l'entreprise! Qui a osé? Cook se met en tête de démasquer l'ignoble individu qui s'est permis de lui faire cet affront. Mais ce n'est pas tout, à Wabash, un meurtre vient d'être commis et c'est dans le bureau de Cook que le corps a été découvert. Commence alors une minutieuse enquête où tout le monde devient suspect.

Paru en 1980 aux Etats-Unis et remarqué par la presse américaine, il aura fallu plus de trente ans pour que nous puissions à notre tour profiter de ce polar jubilatoire qu'est Le linguiste était presque parfait. A grand renfort de références linguistiques, David Carkeet met en scène une galerie de personnages déjantés dont les joutes verbales sont un délice. Souvent comparé à David Lodge ainsi qu'à Donald Westlake, David Carkeet est l'auteur à découvrir absolument cet été! Si c'est déjà chose faite, il ne vous reste plus qu'à attendre 2014 et la traduction annoncée par les éditions Monsieur Toussaint Louverture du reste de la trilogie Jeremy Cook.